Les artistes

Olivier Bémer exploite la numérisation systémique des échanges et les manquements du stéréotype industriel. Avec humour et délicatesse, il convertit des produits banalisés (mugs, photocopieurs, ...) en générateurs poétiques. Pour sa résidence au sein du Fonds de dotation Weiss, Olivier Bémer compte explorer la possibilité d’un design spéculatif. Réalisant des sculptures hybrides en associant des objets techniques obsolètes et impression 3D. L’objet, évocateur mais inutile, comme un repli sur elle-même de la frise du temps.

La praxis de Deborah Fischer est virtuose. Les “presque-rien” collectés - ces rebuts qui jonchent les trottoirs, adossés aux façades des immeubles, excrétions de la ville et des âmes - et les transformations qu’ils subissent, radicales et subtiles demeurent, dans ses installations, à la fois réminiscence et possibilité d’ailleurs. Le geste, toujours délicat et chargé de sens, performatif et silencieux, sera le pivot de la résidence de Deborah, avec une réflexion sur la « réparation » : quand, comment et pour combien de temps le geste-réparateur doit-il avoir lieu ? Le pourquoi-réparer, quant à lui absent comme un absolu non-sens. Politique du geste, empathie inconditionnelle, symbolique de la blessure et du deuil, références à l’histoire de l’humanité et des civilisations, seront comme autant d’éléments à considérer pour une résidence qui n’aura jamais semblé aussi actuelle et nécessaire.

Eugénie Touzé explore le paysage et ses composants, tant dans sa réalité que dans son archivage numérique. La caméra capte les variations infimes, les flous de formes - dans le pixel ou dans l’environnement - qui laissent à croire des apparitions et suspendent le temps du film. La projection transmue vers l’organique et l’éphémère. Pour sa résidence au sein du Fonds de Dotation Weiss, Eugénie compte se placer à la lisière de la vidéo et de l’image fixe. En prenant pour source les photographies et vidéos captées lors d’une randonnée dans les Carpates. Des morceaux de forêt, étirés dans le silence d’un temps lent emprunté au passé et mis en espace via des installations vidéo et photographique.

Melchior Tersen archive l’infra-contemporain - ou peut-être est-ce l’infra-ordinaire. À la fois méticuleux et instinctif, subtil et saisissant, il consigne, il note (via la photographie, la collection ou la note manuscrite) les variations du monde. Sa photographie est crue, déracinée, boulimique ; son regard toujours tendre. Melchior travaille selon le modèle romantique de l’aventurier - l’explorateur-scientifique -, se laisse porter par les vibrations et photographie à profusion, selon quantité de variables, opérant le tri dans un second temps, mettant à jour les occurrences, les répétitions dans le motif. Son projet de résidence sera l’étude d’un lieu : Paris. Lieu large, de nostalgie et de tourisme, de culture, de fantômes et de légendes. Il compte en dresser une cartographie, par arrondissement, par intimité. Le point de fixation du 28, rue Paul Valéry sera aussi un espace d’organisation pour un projet aussi sensible que colossal.

La pratique de Pauline d’Andigné repose sur l’équivoque non résolue. Un chant double de désir et de répulsion. Ses installations impressionnent et déroutent, du fait de la confrontation formelle entre les médias employés et l’objet représenté. Nous pénétrons dans un décor à l’érotisme et à l’humour certains, qui joue du sens qu’on cherche à lui prêter. La résidence de Pauline sera l’occasion de s’aventurer dans une proposition monumentale, in situ. Un format encore inédit pour Pauline et pour le Fonds de Dotation, qu’il nous tarde de découvrir et partager.

Le travail de Louis Jacquot est sublime. L'intégralité autant que l'intégrité du cycle de production de l'image sont questionnées et légèrement remises en cause pour en proposer des alternatives. La relecture totale autorise le geste expérimental et la fraîcheur, le pas de côté qui donne de l'amplitude. Pour sa résidence, Louis compte axer sa réflexion autour de la « goutte », traitant notamment sa forme via des petits formats encore inédits.

La peinture de Clédia Fourniau est organique. Ses tableaux consacrent le flux énergétique. Parce que si la peinture de Clédia parle du corps, de son empreinte et de sa limite, elle est aussi corps dans sa matière même. Ses toiles ont une texture dermique, de superposition de chimie, de plis et de rondeurs. Sensuelles et frissonnantes. L'exercice de la résidence, format court pour une pratique jusqu'alors installée dans des temps longs, nous donnerons certainement à voir une facette nouvelle du travail de Clédia.

La peinture de Mario Picardo trouble parce qu'elle se situe à la frontière des mondes : entre abstraction et figuration, entre latence et fugacité. Elle est à la fois dessin et technique de colorisation perfectionnée. C'est une peinture directe, émotive et explosive, à la palette réduite, extraordinairement énergique. Le projet présenté pour sa résidence, incluant de la peinture en très grand format encore inédit, annonce, je le crois, un tournant important dans sa pratique.