Les contreparties au mécénat
Le mécénat se définit par trois principes irréductibles : le soutien (qu’il passe par un don en nature, numéraire ou par l’apport de compétences) ; l’intérêt général de l’œuvre soutenue ; l’absence de contrepartie directe ou indirecte, qui distingue fondamentalement le mécénat du parrainage ou sponsoring. Pour remercier leurs bienfaiteurs, les organismes et fondations bénéficiaires ont cependant la possibilité, très encadrée par l’administration fiscale, de mettre en place des contreparties matérielles, symboliques ou institutionnelles, dans une proportion qui n’est pas susceptible de remettre en cause le désintéressement du donateur ni le fait que son don procède d’une intention libérale.
Encadrement de la contrepartie mécénat par le principe de « disproportion marquée »
L’encadrement légal des contreparties au mécénat repose sur le principe de « disproportion marquée » : un principe développé pour le mécénat des particuliers, mais sur lequel les entreprises peuvent également se baser pour évaluer la légitimité des contreparties reçues. L’idée est que la valeur des contreparties ne doit pas remettre en cause le caractère désintéressé du don ni relever d’un acte de commerce entre les deux parties. Le principe de disproportion marquée admet ainsi un rapport de 1 à 4 (soit 25%) entre la valeur de la contrepartie mécénat (rapportée en montant) et la valeur du don.
Contrepartie au mécénat pour une entreprise mécène
Une entreprise mécène peut apporter à une œuvre un soutien financier, en nature, ou encore en compétences, en mettant par exemple au service de la cause, à titre gratuit, ses propres ressources humaines, son expertise, ou des produits et services résultant de son activité. L’entreprise donatrice bénéficie d’avantages fiscaux sur ses dons s’ils s’adressent à un bénéficiaire éligible, c’est-à-dire à un organisme d’intérêt général, dont l’activité est non lucrative et non concurrentielle et dont la gestion est désintéressée. La loi Finances 2000, enrichie des précisions de l’instruction fiscale de 2018, prévoit que l’entreprise mécène puisse signer son don : c’est-à-dire que son nom soit associé aux opérations d’intérêt général réalisées par l’organisme bénéficiaire, sans que cette association puisse être apparentée à de la publicité. L’entreprise mécène peut également bénéficier de prestations en contrepartie de son don : dans le cadre d’un mécénat d’art à Paris par exemple, la contrepartie mécénat peut prendre la forme de soirées réservées, d’ouvrages d’art, ou encore d’invitations pour le personnel de l’entreprise aux vernissages des expositions montées par la fondation. En plus du respect du principe de disproportion marquée, l’entreprise mécène doit prendre des précautions par rapport au risque de qualification d’abus de bien social : une infraction qui consiste en un acte accompli dans l’intérêt individuel du dirigeant.
Contrepartie au mécénat pour un particulier mécène
Dans le cas des donateurs individuels, on distingue les contreparties institutionnelles ou symboliques des contreparties tangibles. Les premières consistent en l’attribution de prérogatives (comme le droit de vote aux assemblées générales de l’organisme soutenu), de titres honorifiques (comme « membre bienfaiteur ») et d’hommages symboliques sous différentes formes : nommage, citation dans une liste de mécènes, plaque, etc. Ces contreparties ne sont pas de nature à priver le donateur particulier de ses avantages fiscaux. Les contreparties tangibles peuvent consister quant à elles en la remise d’objets matériels (ouvrages d’art, insignes, cartes de vœux, étiquettes personnalisées etc.), l’octroi d’avantages commerciaux ou financiers, l’envoi de documents divers, la mise à disposition préférentielle d’installations ou d’équipements, l’accès privilégié à des prestations ou informations. Ces contreparties doivent respecter le principe de disproportion marquée en ne dépassant pas 25 % de la valeur du don. Pour les donateurs individuels, une limite forfaitaire est également fixée par l’administration fiscale à 65 euros maximum.
Valorisation de la contrepartie mécénat et obligations déclaratives
La valorisation des contreparties consiste à évaluer la valeur financière des privilèges ou contreparties tangibles octroyés aux donateurs. La loi Finances de 2019 oblige les fondations, associations et organismes d’intérêt général à valoriser dans un but déclaratif toute contrepartie mécénat accordée aux entreprises, mécènes et donateurs particuliers. Cela permet de vérifier, dans le cas des mécènes individuels, que la valeur des contreparties n’excède pas le montant de 65 euros environ. Les entreprises mécènes, de leur côté, doivent déclarer à l’administration fiscale les versements et dons effectués au profit d’une organisation. Si l’organisation est éligible au régime du mécénat et que la valeur des contreparties entre dans les limites de la « disproportion marquée », alors les dons effectués à son profit peuvent donner lieu à des réductions d’impôts pour l’entreprise donatrice. Ces réductions s’élèvent à 60 % ou 40 % du montant du don[i]. L’obligation déclarative concerne les entreprises ayant réalisé un mécénat d’une valeur de 10 000 euros au minimum au cours du même exercice. Doivent être déclarés à l’administration fiscale : le montant et la date du don, l’identité du bénéficiaire, et la valeur de la contrepartie mécénat accordée, directe ou indirecte. D’où l’importance, de la part de l’organisation bénéficiaire, d’avoir valorisé précisément ses contreparties. De nombreuses fondations structurent les contreparties au mécénat en grilles, qui facilitent ensuite les démarches déclaratives.
[i] 60 % jusqu’à 2 millions de dons annuels, et 40 % au-delà